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Chant d'Elle

Seconde Peau
Les Mis à Jour Vis ta mine Table d'Écoutes Collimateurs Saussure à son pied

SAUSSURE À SON PIED 2021


SAUSSURE À SON PIED
du 12 mars au 24 avril
2021
Galerie le 116art
116 route de Frans, 69400 Villefranche-sur-Saône

Saussure à son pied : Trouver des mots qui s’aiment entre eux et qui sèment l’esprit au 2 sens du terme, qui l’ensemencent et le distancient… Claudie Lenzi










JEU DE L'OUÏE
Éric BLANCO

« Les choses sont des signes. Les signes sont des choses.
Ce qui définit une langue, c'est la capacité de production d'une infinité de signes à partir d'une machine finie de figures. »

Félix Guattari

Règle du jeu
Claudie Lenzi met en boîte une paire de Saussure, Horace-Bénédict et Ferdinand, l'un pionnier à piolet du Mont-Blanc, l'autre explorateur et inventeur de la linguistique. Du pied à chaussure jusqu'à la langue de Saussure, Claudie Lenzi fabrique et installe son univers plastique et poétique particulier, fait de tirettes, de targettes, de matériaux, de moulages et d'axes divers. Un kit de linguistique amusante entre jeux de bois et jouets de mots.
Au fil du bois des trente-six boîtes, le jeu de piste oscille entre « articuler » (Ferdinand) et « enjamber » (Horace-Bénédict), suivant un Mont-Blanc à deux pointes, celle du stylo et celle du sommet.
Ferdinand de Saussure oriente ses disciples avec deux analogies linguistiques et concrètes. D'une part, la langue se découpe et s'observe comme un tronc d'arbre, selon deux axes, soit en suivant le fil du bois, soit en le tronçonnant. D'autre part, Saussure compare la langue au jeu d'échec, fait de pièces mobiles et d'une règle du jeu qui encadre l'infinité des combinaisons et des positions et structure leurs interactions. La langue est un jeu de société qui anime les relations sociales. Claudie Lenzi expose et classe patiemment quelques spécimens phonétiques toujours prêts à s'articuler sous les doigts des visiteurs : les Boîtes à Saussure.

Jeux de société
En 1930, une génération après les découvertes de Ferdinand de Saussure, la linguistique envahit les jeux de société, avec le Lexicon et le Diamino. Ces boîtes à jeux en bois remplies de pions ou de jetons marqués de lettres, et leurs damiers, se transmettent de parents en enfants puis en petits-enfants, comme une langue maternelle.
?Chacun, en famille, peut manipuler à tour de rôle les lettres, imitant par jeu le travail typographique des imprimeurs. Les caractères mobiles multiplient les possibles. La lettre en bois devient une clef qui ouvre vers l'infini des textes présents, passés ou à venir. Le Scrabble est un ouvroir de littérature potentielle ou une bibliothèque de Babel borgesienne qui tient dans un sachet de tissu.
Curieuse des petits objets nichés dans nos mémoires ou nos placards, Claudie Lenzi met en scène cette tradition de cases à compléter, de lettres manquantes et de mots à deviner. Elle ouvre le sac à lettres, étale son contenu, invente de nouveaux jeux de lettres en fabriquant des machineries manuelles qui font toucher du doigt les coïncidences rimées et les raccords phonétiques.
Claudie Lenzi plonge ses mains dans l'alphabet pour paver ses Boîtes à Saussure de petits itinéraires, de raccourcis et de courts circuits, sans cesse émerveillée par l'étrangeté familière des opérations qu'elle fait subir aux mots.

Jeux mécaniques
La linguistique est une science mécanique, faite de coupures, de bascules et de rotations.
« Le jeu, c'est l'âme de la mécanique » affirment les mécanos de l'aviation. Pour qu'un système fonctionne, le technicien, l'artisan ou l'artiste doit savoir doser un subtil équilibre entre frottement et glissement. Cet art et métier du contact mobile s'appelle la tribologie. Claudie Lenzi, en tribologue empirique, choisit ses lettres une à une, pèse ses mots, démonte les dictionnaires pour en extraire des pièces détachées qu'elle ré-assemble dans ses Boîtes à Saussure. Chacune fonctionne comme un jouet à deux ou trois états, des modules multistables. Ce sont des jeux d'écritures plus que de lecture. Il s'agit de redécouvrir, pas à pas, l'ouverture du mot comme un cornet surprise où les permutations et les superpositions déploient les sens cachés ou les sons perdus. Le mot absent sur le bout de la langue se révèle ici sur un bout de bois niché au fond d'une Boîte à Saussure.
?Ces 36 boîtes composent une double collection : d'abord un index des mouvements, translation, rotation, montée, descente, ouverture, fermeture, occultation, etc. et ensuite un inventaire des mots passants allant des lettres croisées aux raccords phonétiques.

Jeux de mains
Ferdinand de Saussure s'est évadé de la gangue des pages écrites pour suivre le flux mouvant de la parole. Les Boîtes à Saussure composent et décomposent un traitement de texte artisanal, entre menuiserie et marqueterie. Chaque boîte s'ouvre comme un coffre à secret, une expérience amusante de linguistique pour retrouver le fil ludique de marabout en bout de ficelle.
Claudie Lenzi nous offre avec ses Boîtes à Saussure un cabinet de curiosités labiles qui nous est pourtant familier, celui de la langue courante, courante et donc toujours en marche, en mouvement. En manipulant ces boîtes, nous avons le loisir de répéter, d'articuler, de revenir en arrière ou d'arrêter cette mécanique sensible qui nous permet de parler ou d'écouter, de lire ou écrire.



LA PETITE FABRIQUE DE LA LINGUISTIQUE
Marion BLONDEL, linguistique CNRS

? SAUSSURE À SON PIED Claudie LENZI Chercher des rapports implicites entre Saussure et Chaussure, c'est se référer à la linguistique de Saussure et à la symbolique de la chaussure à travers un chassé croisé entre art, poésie et langage. Déjà comment et pourquoi faire cohabiter ces 2 mots Saussure et Chaussure ? Sont-ils liés à une écoute altérée ? à une prononciation malhabile ou mal articulée ? par des phonèmes ressemblants ? par des lettres communes ? par une bascule de son entre « S » et « Ch », par des sonorités voisines ? sont-ils des faux jumeaux ? des paronymes ?… Y répondre, c'est montrer comment je m'approprie la langue pour mieux la chausser à ma pointure. Saussure et Chaussure sont donc « souliers », plus exactement sous liés par un à-peu-près phonique, une amphibologie sonore. Et c'est sans doute qu'au-delà de cette dérive phonique, se cachent des sens, tels des liens de parenté inavoués, et qu'on peut faire ressurgir par ricochets : Saussure---Langue---Langues êtes ? ---Languette---Chaussure… Pour répondre à ces ricochets de la langue, j'ai fabriqué et articulé 36 boîtes à Saussure, en regard des 36 phonèmes. Ces boîtes sont de dimensions correspondant à des boîtes à chaussures de pointures différentes. Elles sont faites de bois brut, de matériaux tactiles et de lettres en relief pour offrir une certaine matérialité à la langue. À l'intérieur de chaque boîte, sur des pages de bois que le visiteur peut articuler à sa guise, sont inscrits des fragments de mots ou des phrases qui se cachent et se dévoilent grâce aux mouvements de translations ou de rotation. Chaque mot impose son type de mouvement qui, tour à tour, le déconstruit et le restructure en un mot autre mettant ainsi l'accent sur les mécanismes d'une langue vivante et sur la temporalité d'une parole qui se déroule, se répète et se perd. Ces segments sont alors mis en boîtes, relativement autonomes, et ces boîtes à leur tour étiquetées puis rassemblées par taille et forme, comparées entre elles, et comparées avec d'autres segments et boîtes plus connues, par exemple dans la langue de l'exploratrice, ou dans les langues qui lui sont familières (Tiens, ce mot-ci fonctionne comme chez moi. Tiens, ce mot-là ressemble à cet autre mot de ma langue !).
Claudie Lenzi, l'exploratrice, expose ici, dans son nouveau travail, le fruit de sa collecte.
Elle nous donne à voir, manipuler et concevoir que la langue, qui a l'air de se présenter comme une suite de petits objets délimités dans l'espace, se révèle en une suite de mécanismes, qui entrent en résonance les uns avec les autres, déployant les sens au-delà de l'espace-temps immédiatement accessible.
Claudie Lenzi articule, donne du relief aux mots dont on croit souvent qu'ils sont plats et dont on a tendance à oublier qu'ils ont une épaisseur, un feuilletage de sens (Qu'est-ce que ça veut dire ?), déclenchant souvent un feuilleté de sensations (Qu'est-ce que ça me fait ?)
L'artiste articule, fait glisser et apparaitre des micro-segments dans l'environnement sonore devenu matérialisé et nous démontre qu'en échangeant les unités sur des axes paradigmatique ou syntagmatique, on change de sens… ou pas complètement.
C'est dans ce « pas complètement » que se glisse Claudie Lenzi, la poète, qui rebondit sur les échos sonores, les associations de sens et de formes ainsi déployés.
Et quelle coïncidence ! 'Saussure' en LSF (langue des signes française) peut se signer comme 'chaussure'. La langue des signes joue ici avec l'ambiguïté de l'image labiale : lorsqu'on les lit sur les lèvres, on ne perçoit pas la différence entre le son chuintant (chaussure) et sifflant (Saussure).
Or, la perception visuelle (y compris de la langue vocale environnante) fait partie de la boîte à outils de l'apprentie-?signeuse. Les langues ne sont pas aussi bornées que les académiciens…



SAUSSURE À SON PIED
Claudie LENZI

Chercher des rapports implicites entre Saussure et Chaussure, c'est se référer à la linguistique de Saussure et à la symbolique de la chaussure à travers un chassé croisé entre art, poésie et langage.
Déjà comment et pourquoi faire cohabiter ces 2 mots Saussure et Chaussure ?
Sont-ils liés à une écoute altérée ? à une prononciation malhabile ou mal articulée ? par des phonèmes ressemblants ? par des lettres communes ? par une bascule de son entre « S » et « Ch », par des sonorités voisines ? sont-ils des faux jumeaux ? des paronymes ?…
Y répondre, c'est montrer comment je m'approprie la langue pour mieux la chausser à ma pointure.
Saussure et Chaussure sont donc « souliers », plus exactement sous liés par un à-peu-près phonique, une amphibologie sonore. Et c'est sans doute qu'au-delà de cette dérive phonique, se cachent des sens, tels des liens de parenté inavoués, et qu'on peut faire ressurgir par ricochets :
Saussure---Langue---Langues êtes ? ---Languette---Chaussure…
Pour répondre à ces ricochets de la langue, j'ai fabriqué et articulé 36 boîtes à Saussure, en regard des 36 phonèmes.
Ces boîtes sont de dimensions correspondant à des boîtes à chaussures de pointures différentes. Elles sont faites de bois brut, de matériaux tactiles et de lettres en relief pour offrir une certaine matérialité à la langue. À l'intérieur de chaque boîte, sur des pages de bois que le visiteur peut articuler à sa guise, sont inscrits des fragments de mots ou des phrases qui se cachent et se dévoilent grâce aux mouvements de translations ou de rotation.
Chaque mot impose son type de mouvement qui, tour à tour, le déconstruit et le restructure en un mot autre mettant ainsi l'accent sur les mécanismes d'une langue vivante et sur la temporalité d'une parole qui se déroule, se répète et se perd.

Horace Benedict ou La Chaussure de Saussure
Mon premier contact avec le mot Saussure ne s'est pas fait par le biais d'un livre mais par une inscription gravée dans un socle de granit. Il s'agissait d'Horace Benedict (le géologue, naturaliste, fondateur de l'alpinisme et grand-oncle de Ferdinand, le linguiste). Horace Benedict est présenté dans une grande statue de bronze, située au cœur de Chamonix, avec à ses côtés le guide chamoniard Jacques Balmat, bâton de pèlerin en main, pointant le Mont Blanc, immortalisant ainsi, au XVIIIe siècle, leur 1re ascension du plus haut sommet d'Europe, un exploit au regard des conditions logistiques et techniques de cette époque. Face à cette imposante statue découverte au retour d'une course/escalade dans le massif du Mont Blanc, mon regard se trouvant à la limite du socle et donc de leurs chaussures, avait fait émergé une banale question : comment avaient-ils pu gravir ce sommet, et avancer dans la neige, chaussés comme ils l'étaient ? avec guêtres, bottes à talon et godillots de cuir aux pieds, et qui, mouillés devaient alourdir la marche et ralentir les pas dans la montée… Équipement plus que sommaire, pour nous qui possédions piolets performants, chaussures à crampons imperméables et chaussons d'escalade « seconde peau ». Sachant qu'être bien chaussé demeure la condition vitale pour approcher la montagne en toute sécurité, les chaussures de Saussure soulevaient déjà une interrogation d'un autre type certes. Ainsi, avant même de connaître Ferdinand, le linguiste, le premier contact avec le mot Saussure s'est trouvé simplement associé à des chaussures de montagne sculptées…

Langue glaciaire / Langue primaire
Très jeune, j'ai mis en pratique des notions de linguistique et cela même sans m'en apercevoir car j'étais confrontée à une vie insoupçonnée derrière les mots due à une déficience auditive.
Ce qui m'a amenée à réfléchir sur la langue car je devais me familiariser avec ces mots si naturels et parfois si étranges quand ils sont mal compris. Je m'efforçais de conquérir ces mots l'un après l'autre, même si l'acquisition de la langue, de par la difficulté de son approche, était comparable, pour moi, à une paroi d'escalade vertigineuse qu'on doit ouvrir et vaincre grâce à un effort continu et dans un rythme lent et précis. Il fallait, pour y avoir accès, escalader avec patience et trouver le bon équilibre de son corps avec la matière/support, palier après palier, vire après vire, en empruntant parfois des voies parallèles ou en utilisant des prises de secours pour pouvoir s'élever et aller au-delà des défaillances que l'on devine en soi.

?Ferdinand ou L'audition au cœur du système linguistique
Puis, en pistant les traces d'Horace, j'ai découvert son petit neveu, Ferdinand, le linguiste, et ses théories qui m'ont éclairée sur les difficultés langagières que je rencontrais et que je ne savais pas encore nommer.
La perte auditive nous contraint à réfléchir sur la langue, donc sur soi et sur notre relation aux autres puisqu'on se trouve dans l'obligation de fonctionner dans d'autres rapports avec elle et eux. Cet handicap évolutif, telle la surdité de perception, nous confronte d'une manière incessante à des incertitudes que sont les glissements du sens, son altération jusqu'à l'apparition d'un terme dont le sens est définitivement perdu, appelé logatome.
J'ai donc abordé la linguistique, de manière inconsciente et automatique, en faisant appel à des procédés* qui compensaient les rapports bancals que j'entretenais avec la langue.
Comment décortiquer un mot pour retrouver et amplifier un sens ? ou par quoi compenser un sens perdu ? par quels syllabogrammes ? par quelles combinatoires ? par quelles articulations ? par quelles homophonies ? C'est souvent par des jeux de mots que l'on se rend compte de la dérive de la prononciation et de la complexité du langage et Ferdinand de Saussure a été le premier à mettre l'audition au cœur du système linguistique…
Cet handicap qui génère des rapports phoniques particuliers** m'a permis, très tôt, de mesurer le côté arbitraire du langage et d'engager d'autres relations*** avec lui. Il s'est agi alors de prendre les mots comme matériaux pour fabriquer de nouveaux sens. Les mots devenaient alors une matière à découper, à sectionner, disséquer et articuler.
Se référer à la linguistique pour transcrire plastiquement et poétiquement le son altéré d'un mot, c'est agir directement sur son sens pour lui trouver d'autres essences, d'autres « Né sens »…
Ensuite, j'ai utilisé la linguistique comme base de tout un travail ternaire dans lequel arts, langage et poésies sont interpénétrés et métissés.

*par l'obligation de passer le découpage d'un mot thème en segments, ou de passer par l'axe paradigmatique pour substituer au phonème mal perçu une lettre qui permettait de retrouver un sens de secours au mot à défaut de son sens véritable.
** à-peu-près, perte, suppression, bascule de sens…
***comme la répétition, la compensation, la substitution, le différé…

Être bien dans ses souliers comme être bien dans sa langue

Chaussures
« Saussure à son pied » relève de la fascination qu'exerce sur moi cet objet métonymique de notre pied : la chaussure. La chaussure est l'assimilation parfaite d'un objet à une partie de notre corps. Cette protection détachable et rattachable, ajustée à nous-même, qui nous définit si bien et que j'ai maintes fois, dessinée, peinte, photographiée, collectionnée, fabriquée et moulée… est utilisée ici comme référent phonique, plastique et poétique.
La chaussure garde l'empreinte du pied qui l'a portée. C'est une mémoire de la forme. C'est un vestige. C'est l'indice de notre identité, la trace de notre pied… Le pied étant l'une des parties du corps les plus articulées et le plus en mouvement, il nous conduit, pas à pas, syllabe après syllabe, vers une poésie en marche le long d'une longue chaîne/concaténation :
Chaussure---Pied articulé---Pied d'un vers---Poésie en marche---Marche---Articulation---Articulation d'une langue ---Saussure…

Habiter sa chaussure comme être habité par la langue… Moulages Le moulage en cire d'une chaussure révèle par sa présence une double absence : celle de la chaussure en tant qu'objet original disparu et celle du pied qui l'a portée, qui l'a chaussée, lui aussi disparu. La chaussure étant elle-même le substitut du pied, dévoile ainsi, par sa métonymie, l'absence de ce pied qui l'a désertée. Le moulage est témoin de cette double assimilation de l'objet au corps et ajoute une mise en abîme supplémentaire à cette absence.
Comme la chaussure qui s'est moulée au pied, puis, le moulage à la chaussure, la langue, s'est moulée à la société qui l'a fait naître. Toute langue se moule au goût du jour, puis tombe en désuétude et disparaît.
Mais toute langue moulée peut vite devenir, à l'instar d'une chaussure, une gangue, pire, un carcan…

?Sons
La fabrication de mes boîtes à Saussure est à la fois le résultat d'une oralité et de son complément l'écriture.
Aucune des deux ne commence l'autre. Le son devient mot que je plie et convertis en lettres et en matériaux et le nouveau mot devient lettres pour un autre mot et un autre son…

Sens
Qu'est-ce qu'il y a de caché dans le ventre des mots ? Comment faire cohabiter 2 mots de définitions différentes mais qui présentent pourtant des lettres communes ? Il s'agit de fouiller dans le sens des 2 mots que je fonds ensemble jusqu'à ce que je trouve des points de convergence entre eux.
Telle une « entérologue », sonder les entrailles du mot par une dissection à ventre ouvert, dans laquelle se combinent des opérations d'ajout, suppression, déplacement… et aussi de troncation, commutation, permutation et de glissement plastiques et sémantiques de tous bords…

Mémoires
La boîte à Saussure n'est que la partie visible de tout un travail souterrain (tout terrain) d'écriture qui l'a précédée. Ce travail s'accomplit sur la table avec des feuilles de papier de récup que je griffonne et remplis de croquis, de combinatoires de lettres, de listes de mots et de signes jusqu'à saturation et épuisement de la surface.
J'écris et dessine beaucoup, puis procède par suppression pour ne garder que l'essentiel pour aller au plus près du ventre des mots et de ce que je souhaite exprimer.
À chaque boîte correspond un nombre important de feuilles qui accompagnent sa création. Chaque feuille porte ainsi en elle la mémoire de la boîte en devenir. Pour ce travail, les feuilles "volantes", contrairement au carnet de bord que j'utilise habituellement, m'ont offert davantage de liberté pour venir à bout de toutes ces idées et associations aléatoires qui, étant trop imprécises, s'accomplissaient en tâtonnant… La feuiile se rature, se déchire, se découpe pour relier un morceau à un autre. Elle se jette aussi facilement car elle n'est attachée à rien. Ce que je ne fais pas avec les pages de mon carnet qui est relié et donc plus précieux. Le carnet offre une hiérarchisation du travail entrepris et accompli : la première page commence le travail et la dernière le finit. On revient rarement en arrière pour noter ce qu'on aurait omis et surtout on ne déchire presque jamais ses pages.